L’église Saint-Martin de Villers-Saint-Sépulcre

Il n’est pas impossible que l’église Saint-Martin de Villers-Saint-Sépulcre ait été édifiée, à la fin du XIème siècle, sur un site mérovingien ou carolingien. Au Moyen-Age, elle était située à quelques mètres d’un prieuré fondé en 1060 par Lancelin, fils du châtelain Foulques de Beauvais et dépendait comme l’église du prieuré des moines de l’abbaye de Saint-Germer de Fly à qui Lancelin avait donné la charge de célébrer l’office quotidien, en échange de terres et de biens divers. Les auteurs du XIXème siècle rapportent que lors de la démolition du prieuré, le 27/09/1794, de nombreux sarcophages furent retrouvés ensevelis sous les fondations de l’église prieurale. On retrouve d’ailleurs un fond de sarcophage, en réemploi, dans l’angle sud-ouest de la nef.

La partie la plus ancienne de l’église est celle constituée par les murs gouttereaux nord et sud de la nef (Ill n°1).

N°1

Les moellons grossiers appareillés en opus spicatum sur un hauteur de 1,80 m environ, permettent d’émettre l’hypothèse que l’église fut bâtie à la suite de celle du prieuré, soit dans les dernières décennies du XIème siècle ou au tout début du XIIème, car ce genre d’appareil disparaît progressivement au cours de ce siècle dans la région. Bien sûr les deux fenêtres ouest des murs gouttereaux ne sont plus d’époque. Elles ont été refaite à la fin du XIXème siècle, en brique, matériau à la mode à cette époque. Cependant à l’est de la fenêtre centrale, on retrouve la trace d’une fenêtre de style roman dont nous avons encore quatre exemplaires à la façade occidentale (Ill n°2).

N°2

De chaque côté du portail remanié à l’époque gothique, deux ouvertures obturées comportent un linteau en plein cintre gravé de faux claveaux. Deux profondes entailles donnent à penser qu’un porche existait à une époque reculée, avant le XVIIIème siècle, car les documents en notre possession datant de cette époque n’en font déjà plus mention. Deux autres fenêtres, un peu plus larges mais de même style éclairent le pignon de la façade occidentale. Légèrement dissymétriques, elles ont probablement été percées un peu plus tard car elles sont légèrement ébrasées.

A l’intérieur de l ‘église, le plafond surbaissé en carène de bateau retourné empiète sur la partie supérieure de ces ouvertures, démontrant que l’église était probablement plus imposante au Moyen-Age qu’aujourd’hui.

Une porte, à présent surbaissée, dans le mur méridional de la nef, dotée d’un arc en plein cintre et d’un tympan sculpté postérieurement d’un arc en accolade, permettait l’accès au cimetière (Ill n°3).

N°3

La nef ouvre sur un transept qui abrite, dans la chapelle sud, une Mise au tombeau de la fin du XVIème siècle (Ill n°4).

N°4

Dans les ébrasements intérieur et extérieur de la baie est, située derrière cette Mise au tombeau, une statuaire en plâtre gros (Ill n°5)

N°5

a été découverte lors des travaux de réfection de cette chapelle, au début de l’année 2000. Des peintures murales furent mises au jour et offrent dans leur décor de rinceaux et de fleurs, de faux appareil, des similitudes avec celles de l’église de Ponchon et de Cambronne-les-Clermont, datées du XIVème et du XVème siècle. Une étude est en cours à propos de ces peintures et le résultat des recherches fera l’objet d’une communication.

Au nord, deux vaisseaux de deux travées composent les chapelles édifiées au XVIème siècle. Les six baies qui éclairent cet espace sont composées, sur les murs gouttereaux ouest et est, de deux lancettes au dessin flamboyant. Les fenêtres nord, plus larges, présentent trois lancettes au remplage différent. Celle du nord-ouest offre, dans sa partie supérieure de style Renaissance, un réseau formé d’un oculus en amande encadré d’écoinçons et de losanges, tandis que la baie nord-est présente des lancettes trilobées.

Au mi-temps des murs ouest, nord et est des chapelles, des demi-colonnes à tambours, dépourvues de chapiteaux reçoivent les retombées latérales des ogives, des arcs formerets et des arcs doubleaux brisés. Les retombées médianes de ces arcs se fondent dans la pile ondulée centrale, en créant un faisceau de lignes d’un effet des plus réussis en vogue au début du XVIème siècle (Ill n°6).

N°6

Les voûtes quadripartites des chapelles nord sont moulurées d’un prisme tronqué, dégagé par deux grands cavets. On notera les clés ornées d’un motif de fleur aux pétales soigneusement ciselés, largement épanouis autour du cœur. Seule la clé de la travée nord-est porte le décor d’un écusson malheureusement blanchi à l’enduit.

Il est probable que ce bras nord du transept ait été agrandi et reconstruit sur des structures plus anciennes, car le chœur devait déjà ouvrir au nord, dès le XIIIème siècle, sur une chapelle orientée. Une petite tête sculptée dans le tailloir du dosseret, appuyé sur la face interne nord-est de la pile quadrangulaire du chœur, ne pouvait être vue que d’un espace situé au nord. Les piles du chœur furent profondément remaniées après le voûtement de cette chapelle.

Le chœur présente deux travées et se termine par un chevet plat en vogue dans la région, au XIIIème siècle.

Le mur méridional de la première travée de chœur est éclairé par une baie refaite entièrement à la fin du XIXème siècle. Ses trois lancettes s’inscrivent dans un arc de décharge plein cintre, largement ouvert sur l’extérieur, entre les deux contreforts. Cet arc obturé sur les côtés, pourrait s’expliquer par la présence d’une ouverture vers une chapelle, car les architectes de cette époque, avaient un grand souci de symétrie et la présence d’une chapelle côté nord, ainsi que nous venons de le démontrer plus haut, nécessitait son pendant au sud. Cependant, à moins qu’elle ait été détruite ultérieurement, on ne peut affirmer que l’édification de cette chapelle ait été concrétisée, les moyens ont peut-être manqué. Côté nord, les architectes ou les maîtres d’œuvre ont ouvert le chœur de l’église, dans une volonté de le transformer en une sorte de chœur-halle. Nous retrouvons la même arcade, surmontée d’une d’imposte dont les montants coupe la partie supérieure de l’arc.

Dans la travée ouest du choeur, quatre piles quadrangulaires soutiennent le clocher. Chaque pile est composée d’une colonne engagée tournée vers la travée, cantonnée dans les angles est et ouest de deux colonnettes (Ill n°7). Adossées aux angles du chevet, deux autres colonnettes reçoivent les retombées d’ogives de la travée est. Les ogives de la travée ouest reposent sur les colonnettes d’angle intérieures à cette travée. La disposition en biais des chapiteaux indique que ces supports étaient bien prévus pour recevoir les ogives.

Face à la nef, les colonnettes ouest reçoivent le rouleau appliqué sur un bandeau surmontant l’arc brisé qui fait la liaison avec le chœur. Cet arc s’appuie sur les colonnes engagées des piles nord-ouest et sud-ouest. Les deux autres colonnes engagées des piles nord-est et sud-est reçoivent l’arc doubleau brisé qui sépare les deux travées de chœur.

Tandis que les bases des piles quadrangulaires à l’ouest sont noyées dans les maçonneries de reprise des chapelles nord et sud, les socles et les bases des piles est sont dénudés. La partie inférieure de la pile nord-est est la plus intéressante. Bien que le socle polygonal fut probablement arasé pour permettre l’installation de mobilier de chœur, les bases de la colonne engagée et des deux colonnettes n’ont pas été mutilées. Cela permet de voir qu’elles présentent un profil composé de deux tores, séparé par une scotie, le tore inférieur étant plus large et aplati. La scotie est ornée d’un gros perlé. Ce dernier élément de décoration n’est pas rare dans les églises du Beauvaisis datées de la fin du XIIème siècle ou du début du XIIIème.

Les quatorze chapiteaux du chœur ont une corbeille qui n’est pas très haute ce qui leur donne un aspect un peu trapu. Les chapiteaux présentent deux types de décoration, l’une végétale et l’autre, à représentation humaine.

Dans le premier cas, les feuilles sont lisses comportant une nervure centrale très saillante et terminées soit par des boules toute simples, soit par des volutes, soit par des esquisses de crochets non encore épanouis. C’est à la colonne engagée du pilier sud-est que les crochets des feuilles d’angle semblent les plus travaillés alors que la feuille centrale se termine par deux petites boules qui donnent l’impression de reprises maladroites.

Dans l’angle est, nous avons une feuille lisse terminée en volute tandis que l’angle ouest est pourvu d’une figure humaine grimaçante. En face, côté nord-ouest, nous avons son pendant sur le chapiteau de la colonnette ouest. Ces personnages, en position d’atlante, adoptent dans l’église de Villers-Saint-Sépulcre, une position peu conventionnelle. Au lieu d’avoir les bras en l’air, comme c’est souvent le cas, leurs bras repliés vers l’arrière miment ainsi le port d’une charge sur les épaules et le dos. Cette position à Villers-Saint-Sépulcre est conditionnée par la forme trapue de la corbeille.

Les deux travées de chœur sont appareillées de voûtes quadripartites. Alors que celle de la travée est présente une voûte refaite probablement en même temps que celles des chapelles nord, celle de la travée ouest, plus ancienne, est recouverte d’un enduit peint de faux joints ocre-rouge, simulant les pierres. Dans cette travée située sous le clocher, les voûtains ouest et sud sont percés de trois trous circulaires, vestiges par lesquels passaient les cordes des cloches avant d’être électrifiées.

Les ogives de la travée ouest du chœur montrent un gros tore, dégagé de la voûte par un bandeau souligné d’un cavet ; mais au lieu de reposer directement sur les abaques des chapiteaux, des parallélépipèdes servent d’intermédiaire entre l’ogive et son support (Ill n°7).

N°7

Ces consoles étaient probablement destinées à recevoir une décoration sculptée, comme on peut en voir à Cambronne-les-Clermont, au croisillon sud ou à Bury dans le collatéral nord ( 2ème quart du XIIème), mais à Villers-Saint-Sépulcre l’économie des moyens a fait que ces volumes sont restés nus.

La forme torique des ogives se rencontre aux voûtes les plus anciennes de l’Oise. A Saint-Etienne de Beauvais (entre la cinquième et la sixième travée du collatéral sud de la nef), à Montreuil-sur-Thérain, à la Villetertre, dans la première travée de la nef (milieu du XIIème ), à Ully-Saint-Geoges dans le collatéral sud de la travée sous clocher (1130-1140), à Saint-Leu d’Esserent ( vers 1160-1170) dans le déambulatoire, les tores, comme à Villers-Saint-Sépulcre reposent sur un bandeau droit marqué par un cavet.

Il apparaît donc raisonnable de dater le chœur de l’église de Villers-Saint-Sépulcre de la fin du XIIème siècle, car si la voûte paraît plus ancienne (milieu XIIème) que les bases des colonnes décorées de scoties perlées (fin XIIème), il ne faut pas oublier que dans le milieu rural où nous nous trouvons, le manque de moyen, et le conservatisme de certain maître d’œuvre entraînaient un certain archaïsme dans les formes architecturales.

La travée est du chœur est éclairée par trois baies composées de deux lancettes simples en arcs brisés entre lesquels s’inscrit une rosace à cinq lobes. Ces fenêtres présentent, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur un glacis très pentu. Le décor très sobre de ces baies (celle du chevet a été remaniée au XIXème siècle), le chœur terminé par un chevet plat, pourrait autoriser une datation voisine des années 1240-1250.

A l’extérieur, les murs sont épaulés de contreforts appareillés de grosses pierres blanches à l’origine, devenues grises avec le ruissellement des eaux de pluie. Ce calcaire, présent sur tous les murs de l’édifice à l’exception de la nef, provient de carrière situées dans la vallée du Thérain. L’église de Hermes, l’enceinte de l’abbaye de Froidmont, l’église de Montreuil-sur-Thérain sont appareillés de ces pierres en calcaire alvéolé provenant de gisements proches.

Christine Colard

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